A l’heure où la toiture de notre médiathèque ne cesse de
laisser passer la pluie, sur un personnel déjà en très grande souffrance pour
d’autres raisons que nous n’évoquerons pas ce soir mais qu’il vous faudra bien
expliquer un jour…
A l’heure où certaines de nos écoles devraient tout
simplement faire l’objet d’une reconstruction tant le bâti est abimé.
A l’heure où dans ces mêmes écoles nos enfants sont entassés
car votre majorité n’a pas su anticiper, il y a déjà quelques années, le
baby-boom des années 2000.
A l’heure où nombre d’équipements publics devraient faire
l’objet d’une réhabilitation programmée dans le cadre d’un plan
d’investissement raisonné.
A l’heure où la crise enfonce notre pays dans une situation
dramatique, où l’état se désengage des collectivités locales, vous faites le
choix d’engager notre ville dans une aventure « théâtrale » qui
risque de ne pas faire sourire les contribuables Fontenaysiens.
En avant-propos et afin de tout de suite éluder les
remarques personnelles que vous ne manquerez pas de faire sur notre groupe et
sur notre position, vous me permettrez de vous rappeler que le théâtre est un domaine
que nous connaissons. Certains d’entre nous y ont travaillé durant plusieurs
années, côtoyant ainsi un très grand nombre de professionnels, artistes et
techniciens, ou de producteurs et de mécènes. Nous sommes donc aussi bien placés pour
connaître toute la beauté et les émotions que cet art procure mais aussi pour
comprendre toute la difficulté de ce monde et de son économie, car le problème
est surtout là !
Tout d’abord quand une ville souhaite créer un équipement
public nouveau, elle s’assure de plusieurs choses.
- La première, c’est le besoin. Est-ce que les habitants de Fontenay, qui vont en
payer une très grande partie par leur impôt, sont en attente de la construction
d’un tel équipement ?
Vous nous rappelez dans la note de présentation qu’il y a 10
ans que ce projet est à l’étude, certains disent même près de 20 ans… Vous
savez mes chers collègues entre l’idée et sa réalisation, il arrive que le
temps qui passe desserve un projet. La baisse de fréquentation des salles de
théâtre, qui est hélas une réalité, ne se combat pas en créant des lieux
nouveaux, elle se combat en éduquant les plus jeunes dès l’école. J’avoue
n’avoir vu aucun atelier de pratique théâtrale organisé dans le cadre des nouvelles
activités proposées, liées à la semaine de 4,5 jours ! Aucune information
ne nous a été donnée d’ailleurs sur le nombre de compagnies théâtrales en
activité sur Fontenay, le nombre de spectacles proposés et la fréquentation des
spectacles dans cette ville. Bref pour défendre un projet vous avez raison de ne
donner aucun élément ça nous permettra effectivement de vous soutenir…
- La deuxième question à se poser, c’est de se
demander, quelle est l’offre existante surtout quand vous vous honorez d’un
rayonnement régional hypothétique que pourrait vous apporter l’ACTEP !
Regardons à Montreuil, à Vincennes, à Nogent et dans le
bois, que voyons-nous ? Déjà près de 10 salles de théâtre existantes. Vous
nous annoncez de possibles mutualisations avec d’autres villes vers votre futur
théâtre, étrange dès lors, de ne pas avoir mutualisé dans l’autre sens ou si
peu… Les villes qui ont actuellement ce genre de structure font toutes le même
constat, le public malheureusement déserte les salles.
- Troisième constat à faire. Le principe de réalité.
Faire de la création théâtrale coûte très cher et une salle de 330 places mal
desservie en transport en commun aura bien du mal à rentabiliser ses spectacles
quand certains théâtres parisiens ont bien plus que du mal. La ville à l’heure
de l’inter-communalité pourrait si elle le souhaite vraiment développer l’offre
théâtrale en se rapprochant de Nogent ou d’autres villes si elle veut réduire
ses coûts de production mais encore faut-il qu’il y ait une demande du public
(là on en revient à la première question). Ou alors ce théâtre n’aura vocation
qu’à louer des salles de répétition… Mais dès lors ce nouvel équipement ne
répondrait plus à l’attente du public mais seulement à celle des
professionnels.
Voilà mes chers collègues les premières interrogations qui
auraient du conduire votre réflexion a priori. Venons-en maintenant au projet
plus précisément.
Il y a un an quand l’annonce fut faite dans la presse, le
montant annoncé par la ville était de 15 millions d’euros d’investissement.
Aujourd’hui on découvre que l’enveloppe s’est considérablement réduite.
Certains de vos amis artistes invités à conduire la réflexion dans le comité de
pilotage auquel je le rappelle les élus que nous sommes ne sont jamais conviés,
nous ont alors alerté ! On imagine aisément qu’au début de l’été, Monsieur
le Maire, vous avez dû expliquer à vos collègues que la ville ne pouvait pas
consacrer une telle somme pour ce projet. Il a alors fallu trancher. Des 4
salles de répétitions initialement prévues, vous avez alors décidé de passer à
deux seulement. 7 650 000 euros pour le théâtre, 1 850 000
euros pour les travaux liés à Jacques Brel, l’addition est aujourd’hui de
9 500 000 euros HT. Je précise aussi qu’il n’est nullement fait mention des coûts de terrassement et de dépollution du site qui sans aucun doute vont
aussi venir s’ajouter à ce montant. Il convient d’attirer l’attention de nos
concitoyens également sur le fait que votre prévision ne prend évidemment pas
en compte l’installation du matériel technique du type éclairage et
sonorisation pour n’en citer que deux, pourtant incontournable dans ce genre
d’équipement public. Bref au fur et à mesure que l’on gratte le faible dossier
que vous nous avez transmis, nous découvrons que le gouffre ne commence qu’à se
creuser doucement.
Oui, à se creuser doucement, car c’est sans compter le budget de
fonctionnement qu’il faudra ensuite débourser chaque année pour faire vivre ce
nouvel équipement.
En regardant encore d’un petit peu plus près nous avons
aussi découvert qu’en reliant un équipement comme celui de Jacques-Brel doté
d’une salle de 1200 places à ce nouveau théâtre de 330 places par un foyer de
déambulation commun, vous transformez globalement l’équipement initial. Je
m’explique. En effet, nous n’allons pas avoir deux équipements adossés l’un à
côté de l’autre mais bien un seul. Le résultat c’est que cet équipement
actuellement placé en catégorie 2 va passer en catégorie 1. Dès lors il devra
répondre à des exigences en matière de sécurité, beaucoup plus contraignantes,
comme la présence minimum de 2 ERP les soirs de spectacles dans les deux
salles. Les exigences réglementaires vont prendre le pas et interdire pas mal
de choses dans ce nouvel équipement ! Encore une somme supplémentaire à ajouter
dans ce projet.
Regardons encore d’un peu plus près le projet. Pas de
parking souterrain pour permettre au public de se stationner. Certes cela
aurait alourdi le coût global du projet mais l’absence de parking montre aussi
que l’ambition régionale affirmée dans la note n’est malheureusement pas à la
hauteur. Qui peut imaginer en 2014 créer un équipement public nouveau sans y
intégrer un parking souterrain ? Si les trois postulats de départ
démontrent que le projet n’est pas viable, l’idée de rénover Jacques-Brel en y
créant un parking souterrain aurait sans doute été plus facile à défendre et à
soutenir.
Passons à la notion d’équipement durable. Nous savons mon
cher Marc Brunet votre attachement à l’écologie politique. Je ne savais pas en
revanche que vous seriez prêt à reculer autant sur ces valeurs pour voir le
projet se réaliser. Les engagements environnementaux de ce projet sont faibles
très faibles mêmes, et j’avoue qu’à l’heure de l’Agenda 21, venant d’une équipe
municipale qui a prôné tellement de promesses j’y vois encore un renoncement. En
effet pas de labellisation HQE (Haute qualité environnementale) recherchée.
Seulement une attention particulière portée sur la gestion des énergies et
trois cibles visées à un niveau élevé : le confort acoustique, visuel et
hygrothermique. Pour mémoire, si vous aviez visé des objectifs performentiels
comme prévu dans l’agenda 21 qui sans doute n’existe pas, vous auriez dû avoir
3 cibles au niveau très performant, nous n’en voyons aucune, 4 cibles au niveau
performant, disons que ce sont celles que je viens d’énoncer et 7 cibles au
niveau de base, rien dans le document. Si nous ajoutons que dans l’appel à
candidature aucune mention n’est faite aux équipes de s’adjoindre la compétence
d’un spécialiste en qualité environnementale, nous ne pouvons que faire le
constat, que les valeurs de l’écologie politique ont été abandonnées sur
l’autel de la négociation. Enfin, vous mentionnez l’aide de 1,5 millions
d’euros de la Région,
vous me permettrez juste de rappeler que cette aide n’est pas acquise et quand
on voit la manière dont la
Région a abandonné l’association Musiques au Comptoir on peut
largement douter de sa volonté de soutenir ce projet de théâtre à ce niveau
financier.
Évidemment notre voix et celle de 4 Fontenaysiens sur 10 ne
sera pas entendue et vous allez nous engager vers ce projet avec toutes les
problématiques que nous avons soulevées. Si la capacité d’investissement de
notre ville permet d’engager cette somme alors il aurait été préférable selon
nous quitte à investir dans le secteur culturel : de consacrer 3 millions
à la réhabilitation de la médiathèque, 1,5 millions à celle de la salle Gérard
Philippe en l’agrandissant même pourquoi pas, à rénover efficacement la halle
Roublot ou comme nous l’avons déjà dit ici plusieurs fois à réfléchir à la
création d’un conservatoire municipal de musique et d’art dramatique qui
permettait de faire cohabiter dans un même lieu une salle de concert et de
théâtre. Une fois encore vous allez réaliser un projet imaginé il y a fort
longtemps mais qui n’a plus de légitimité. Cette méthode, c’est celle que vous
développez depuis de nombreuses années, par manque d’anticipation et sans doute
parce que vous n’êtes plus à l’écoute des attentes de votre population. “All
the world is a stage” disait Shakespeare, permettez moi de vous inviter à mieux
regarder et écouter ce qui se passe sur cette scène.
Je vous remercie.